Pourquoi l'idéologie des droits de l'homme doit être critiquée?
De
nos jours, il semble généralement admis que les droits de l’homme sont
non-négociables et que tout doit être orienté pour que ceux-ci s’épanouissent
dans chaque recoin de la planète. Apparus dans maintes chartes et concepts
philosophiques occidentaux à partir du XVIIe siècle, les droits de l’homme sont
déclarés en Angleterre dès 1689, en France par l’Assemblée Constituante de 1789
ou encore universellement par l’ONU en 1948 lors de la fameuse Déclaration universelle des droits de
l’homme[i].
Déployés parallèlement au libéralisme et au capitalisme marchand dans
plusieurs États occidentaux au fil des deux derniers siècles, ces droits qui se veulent «naturels»
témoigneraient de la primauté de l’individu sur le collectif, du privé sur le
public, et serviraient ainsi de rempart contre toute oppression de l’individu
par tout ce qui le transcende. Les droits de l’homme constitueraient en quelque
sorte le moteur du progrès de l’humanité et les remettre en question serait
réactionnaire ou moyenâgeux.
Mais
s’il est vrai qu’initialement, les droits de l’homme ont été utilisés comme fer
de lance contre l’absolutisme et les régimes totalitaires, ils prennent
aujourd’hui une toute autre envergure, beaucoup plus sinistre. Mettons d’abord
une chose au clair; chaque être humain a évidemment droit à la dignité et à se
faire respecter dans son intégrité. Telle n’est pas la question. Le problème
vient du fait que les droits de l’homme sont désormais employés à miner les
normes et traditions, à atomiser les
sociétés et à déconstruire toute forme de corps national en judiciarisant les
rapports sociaux et en donnant voix aux revendications sociétales les plus
insignifiantes. Par un curieux cheminement qui peut être observé de plus en
plus souvent, un individu peut graduellement transformer un désir personnel en
besoin, puis transformer ce besoin en droit revendiqué, ceci grâce aux diverses
«Chartes des droits» présentes en Occident qui y imposent l’idéologie «droit-de-l’hommiste»
défendue par les tribunaux. Au nom de la «lutte contre la discrimination», on
utilise ainsi les droits de l’homme pour déconstruire toute norme sociale, s’en
servant ainsi contre tout ce qui peut représenter une quelconque tradition.
Comme
le mentionne le philosophe français Alain De Benoist dans son récent ouvrage Au-delà des droits de l’homme[ii],
deux questions cruciales doivent être posées si on veut comprendre cette
idéologie directement sortie du fourneau bourgeois des Lumières. Ces questions
sont toutes simples : de quels droits et de quel homme
est-il question, lorsque l’on parle des droits de l’homme? De Benoist répond
sans hésitation : il s’agit du droit
à l’égoïsme et de l’homme détaché de
sa communauté. En d’autres termes, il s’agit de droits bourgeois, donc individualistes.
Ainsi, les droits de l’homme qui allaient déjà de pair avec le libéralisme sont
désormais en parfaite symbiose avec le néolibéralisme, cette doctrine
économique mondialiste par excellence qui s’est imposée au tournant des années
70 et 80 (Accords de la Jamaïque, libéralisation bancaire, libéralisation des
taux de change, mondialisation économique, traités de libre-échange,
dérèglementations massives, etc…) et qui nécessite justement la transformation
du citoyen politisé en un consommateur déraciné, individuel, détaché de sa
communauté naturelle. Comme le reconnaissait le sociologue Raymond Aron : «Toute déclaration des
droits apparaît comme l’expression idéalisée de l’ordre politique qu’une
certaine classe ou une certaine civilisation s’efforce de réaliser»[iii]. On peut rapidement en
conclure que les droits de l’homme constituent l’outil de gestion promut par
une l’élite politique néolibérale et mondialiste.
Depuis
toujours et jusqu’à tout récemment, l’être humain ne se représentait qu’au
travers de sa communauté, que celle-ci fut religieuse, ethnique, nationale, familiale,
académique ou ouvrière. L’individu faisait partie d’un tout, et ce tout était
supérieur à la simple somme des individus le composant. On appelle ceci le
holisme et ce principe a guidé l’humanité jusqu’à l’avènement progressif des
droits de l’homme et du libéralisme. Aristote disait d’ailleurs que l’homme ne
devient qu’un homme uniquement en vivant dans une société régie par des normes
et des coutumes. Malheureusement, ces principes naturels et millénaires sont
peu à peu liquidés par la modernité et en ce sens, les droits de l’homme
constituent l’idéologie la plus révolutionnaire de l’histoire de l’humanité
puisqu’elle semble en voie de réussir là où le marxisme, le nazisme ou tout
autre totalitarisme a échoué : elle a créé un homme radicalement nouveau. L’individu
d’aujourd’hui n’est plus un citoyen (au sens noble du terme), c’est-à-dire
qu’il ne participe plus à sa communauté (religieuse, nationale, ethnique,
familiale…). L’holisme ne tient plus. Nos sociétés sont en passe de devenir de
vulgaires additions d’individus qui ne sont plus que des êtres hors-sol, des
consommateurs animés par leurs seuls désir et cherchant constamment la
maximisation de leurs intérêts personnels avant celle de leur communauté. C’est
la guerre du tous contre tous qui prend le dessus sur toute forme de
solidarité. Et c’est là tout le drame qui afflige les peuples et les nations,
particulièrement ces dernières décennies.
Pour
le moment, on pourrait ajouter que cette idéologie dissolvante sévit surtout en
Occident. Mais la géopolitique des dernières années laisse croire que le
système mondialiste et sans-frontiériste cherche à s’en servir pour étendre son
emprise sur le reste de la planète. En effet, les droits de l’homme, poussés
par une élite transnationale et mondialisée à l’appétit infini, servent de
prétexte idéal pour déstabiliser de nombreux régimes nationalistes. C’est particulièrement
vrai au Moyen-Orient, avec les résultats catastrophiques que l’on connaît. On
l’a d’abord vu avec l’invasion de l’Irak de Saddam Hussein, puis lors de la
destruction de la Libye de Khadafi ou encore, lors de la déstabilisation
(toujours en cours) de la Syrie de Bachar al-Assad. C’est en prétendant apporter
la liberté soit disant propre à la démocratie et aux droits de l’homme que ces
pays ont tour à tour été réduits à l’état de ruines afin d’être progressivement
soumis au système mondial dominant. Même si les régimes précédemment cités
étaient loin d’être parfaits, ils avaient au moins le mérite de donner le plein
contrôle des ressources du pays aux populations locales plutôt qu’aux élites
globalisées, en plus d’entretenir une cohésion nationale qu’on ne retrouve plus
de nos jours (nul besoin d’expliquer que les interventions mondialistes ont
fait exploser les tensions ethniques, religieuses et sociales en Irak et en
Libye, sans compter une recrudescence du terrorisme islamique). Cette
propension des droits de l’homme à vouloir s’imposer partout sur la planète est
typique d’une doctrine idéologique qui se veut universelle : elle
manifeste une propension à disqualifier les valeurs des autres, qu’elle perçoit
comme trompeuses et dépassées. À l’échelle géopolitique, cela se traduit en
guerres néo-coloniales. À l’échelle nationale et locale, on préférera plutôt la
disqualification de facto des adversaires
de cet universalisme anti-national, quand on ne s’en prend pas physiquement à
eux via les chiens de garde du système en place, les «antifas».
En
somme, il faut prendre conscience que les souverainetés nationales laminées par
le discours des droits de l’homme ne disparaissent pas au profit d’un monde
pacifié et plus juste. Bien au contraire, celles-ci s’effacent au profit de
souverainetés économiques exercées par des multinationales et des marchés
financiers, nouvelles souverainetés génératrices d’inégalités, de tensions
sociales et d’un monde de plus en plus chaotique. L’avènement des droits de
l’homme n’aura pas empêché la domination des peuples par une élite mondialisée,
la médiocrité du monde moderne, le conditionnement publicitaire, la crise
écologique, la société de surveillance quasi-orwellienne, le lent déclin de
l’intelligence individuelle[iv] et l’abrutissement massif
des populations du XXIe siècle… De plus, il est important de rappeler que de critiquer
les droits de l’homme ne revient pas à approuver le despotisme ou le
totalitarisme. Tel que mentionné plus haut, chaque être humain a droit au
respect, à la dignité et a ses libertés fondamentales. Mais dès que l’on exclut
le principe d’appartenance à une communauté politique et nationale, ce à quoi
l’idéologie des droits de l’homme s’acharne depuis de nombreuses années, les
concepts de liberté et d’égalité ne tiennent plus. L’homme atomisé, déconnecté
de sa communauté (donc facilement remplaçable), ne vaut rien. Et le seul
gagnant dans un tel monde atomisé et sans solidarité nationale, c’est cette
élite mondialisée et transnationale.
Voilà
toute l’idéologie du mondialisme.
[ii]
DE BENOIST Alain, Au-delà des droits de
l’homme, 2016, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, p.25
[iii]
ARON Raymond, Pensée sociologique et
droits de l’homme in Études politiques, Gallimard, Paris, 1972 p.232
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